Head of Image & Communications Caroline Lebar’s relationship with legendary designer Karl Lagerfeld spanned over 35 years. ​

CAROLINE LEBAR -
SVP DE L’IMAGE ET DE LA COMMUNICATION

Peu de gens peuvent se targuer d’avoir noué des liens étroits avec Karl Lagerfeld, et encore moins une relation de plus de 35 ans. Caroline a commencé à travailler avec Karl en 1985, et leur collaboration a débouché sur une confiance inébranlable, tant sur le plan professionnel que personnel. Aujourd’hui directrice de l’image et de la communication de la Maison, Caroline partage ses vastes connaissances sur la mode, le style, la marque et la culture populaire à travers les yeux de KARL.


« Je l’ai observé, j’ai passé ma vie avec lui et j’ai toujours pensé qu’il était merveilleux de voir les choses à sa manière », se souvient Caroline de sa carrière avec Karl. « Ce qui m’impressionnait vraiment, c’était sa force ; avec lui, tout semblait facile ! »



Quand avez-vous rencontré Karl pour la première fois ?

C’était en 1985, le troisième jour de mon stage à la Maison KARL LAGERFELD. Nos locaux de l’époque étaient situés au 144, avenue des Champs-Élysées. J’ai croisé Karl par hasard dans le couloir. Il était extrêmement poli et m’a adressé un « Bonjour ». J’étais tellement timide que je n’ai même pas pu lui répondre ! En y repensant, c’était ridicule. Il avait la quarantaine et n’était même pas encore célèbre, mais si j’étais timide, c’est parce qu’il avait déjà une aura très puissante et impressionnante. Comme il a trouvé ma réaction impolie, il lui a fallu un moment pour m’apprécier, mais six mois plus tard, les choses se sont améliorées. J’ai appris une précieuse leçon ce jour-là : on peut être timide, mais il ne faut pas que Karl le voie. 


Quel a été votre parcours à partir de là ?

Tout doucement, je suis devenue moins nerveuse et la situation s’est améliorée. Je souriais tout le temps et je disais « oui » à Karl mais il parlait si vite que, parfois, c’était difficile de savoir ce qu’il disait. Une fois, il m’a prise la main dans le sac en train de dire « oui » alors que je n’avais rien compris et ça l’a fait rire. Quand j’ai fait preuve d’auto-dérision devant lui, cela a fait toute la différence. 


Quel a été votre premier travail chez KARL LAGERFELD ?

J’ai commencé à travailler en tant que recruteuse dans une agence de mannequinat à l’âge de 17 ans. Deux ans plus tard, à 19 ans, j’ai décroché un travail auprès de Karl. Je n’ai jamais terminé le lycée et j’ai tout appris sur le tas. Je suis fière d’avoir gagné la confiance de Karl. C’est plus important à mes yeux que d’impressionner quelqu’un avec un doctorat. 


Les débuts de KARL LAGERFELD semblent avoir été assez singuliers et extraordinaires ?

Dès le départ, l’équipe était comme une famille. À l’époque, nous formions vraiment une start-up avec seulement 15 personnes dans l’entreprise. Aujourd’hui encore, nous avons une conversation WhatsApp avec l’équipe d’origine du 144, avenue des Champs-Élysées, ce qui reflète bien ce lien spécial qui nous unit. 


Une rumeur circule... Vous auriez défilé pour Karl…

Un jour, Karl m’a demandé ce que j’avais fait avant de travailler pour lui. Je lui ai parlé de l’agence de mannequinat. Quand il a appris cela, il a commencé à me demander mon aide pour des castings, des recrutements et des négociations avec les agences en plus de mon travail de RP et de responsable showroom.

Un jour, j’ai reçu un appel inopiné d’une personne de chez Chanel me demandant de venir à leur bureau le lendemain. J’ai demandé : « Pour quoi faire ? » et on m’a répondu : « Pour défiler ». J’y suis allée et je me suis sentie comme un pauvre petit oiseau perdu au milieu des mannequins. Habituellement, j’étais de l’autre côté et, soudainement on m’habillait pour le défilé. Je portais des gants en cuir bleu marine et j’étais si stressée que, lorsque je les ai retirés, mes mains étaient devenues bleues à cause de la transpiration ! Heureusement, Inès de la Fressange m’a prise par la main et m’a montré comment marcher, où m’arrêter et combien de temps attendre. Après cela, j’ai été mannequin pour Karl pendant huit ans. J’ai participé à tous ses défilés sur les podiums ! 


En 34 ans de relation de travail étroite avec Karl, quelle est la meilleure leçon qu’il vous a enseignée ?

C’est davantage une attitude qu’une leçon. Karl profitait au maximum de chaque moment qu’il partageait avec les autres. Cela pouvoir vouloir dire qu’il ne serait pas à l’heure à son rendez-vous suivant, mais il consacrait toujours 100 % de son attention à la personne avec qui il était à cet instant T.

Quand avez-vous rencontré Karl pour la première fois ?

C’était en 1985, le troisième jour de mon stage à la Maison KARL LAGERFELD. Nos locaux de l’époque étaient situés au 144, avenue des Champs-Élysées. J’ai croisé Karl par hasard dans le couloir. Il était extrêmement poli et m’a adressé un « Bonjour ». J’étais tellement timide que je n’ai même pas pu lui répondre ! En y repensant, c’était ridicule. Il avait la quarantaine et n’était même pas encore célèbre, mais si j’étais timide, c’est parce qu’il avait déjà une aura très puissante et impressionnante. Comme il a trouvé ma réaction impolie, il lui a fallu un moment pour m’apprécier, mais six mois plus tard, les choses se sont améliorées. J’ai appris une précieuse leçon ce jour-là : on peut être timide, mais il ne faut pas que Karl le voie. 


Quel a été votre parcours à partir de là ?

Tout doucement, je suis devenue moins nerveuse et la situation s’est améliorée. Je souriais tout le temps et je disais « oui » à Karl mais il parlait si vite que, parfois, c’était difficile de savoir ce qu’il disait. Une fois, il m’a prise la main dans le sac en train de dire « oui » alors que je n’avais rien compris et ça l’a fait rire. Quand j’ai fait preuve d’auto-dérision devant lui, cela a fait toute la différence. 


Quel a été votre premier travail chez KARL LAGERFELD ?

J’ai commencé à travailler en tant que recruteuse dans une agence de mannequinat à l’âge de 17 ans. Deux ans plus tard, à 19 ans, j’ai décroché un travail auprès de Karl. Je n’ai jamais terminé le lycée et j’ai tout appris sur le tas. Je suis fière d’avoir gagné la confiance de Karl. C’est plus important à mes yeux que d’impressionner quelqu’un avec un doctorat. 


Les débuts de KARL LAGERFELD semblent avoir été assez singuliers et extraordinaires ?

Dès le départ, l’équipe était comme une famille. À l’époque, nous formions vraiment une start-up avec seulement 15 personnes dans l’entreprise. Aujourd’hui encore, nous avons une conversation WhatsApp avec l’équipe d’origine du 144, avenue des Champs-Élysées, ce qui reflète bien ce lien spécial qui nous unit. 

Caroline Lebar
Karl Lagerfeld and Caroline Lebar


Comment sont nés les deux livres de cuisine (« Une tarte pour dimanche » / «Une tarte pour samedi»)?

J'ai reçu un message de Marabout/Hachette, l'un des plus grands éditeurs en France, et au début j'ai cru que c'était une blague ! J'ai dit : « Très bien, si vous êtes sérieux alors passez me voir au bureau pour qu'on en parle .» Je n'y croyais pas quand ils se sont présentés au rendez-vous ! Le premier livre a été traduit en espagnol, italien, allemand et hollandais. Nous avons par la suite fait un deuxième livre avec des tartes salées et sucrées. 


Quelle est ta tarte préférée?

J'aime toutes les tartes aux fruits, surtout aux fruits rouges. J'adore la crème d'amande ! 


Pourquoi aimez-vous préparer des tartes?

C'est un mode d'expression créative. Je vais tôt le matin au marché et quand je suis devant les étals, je ne vois pas des fruits mais des couleurs et des formes. 


Tes tartes sont comme une œuvre d'art ! Est-ce parfois difficile de les couper (et de les manger)?

En fait, je ne les mange pas tellement ! Mon vrai plaisir, c'est de créer une composition graphique avec des motifs et des couleurs. Je prends une photo, on la met sur la table et mon mari la goûte. Je ne me dis pas que je « détruis » la beauté de la tarte. Ce qui m'importe, après tous ces efforts, c'est qu'elle soit bonne. Ma plus grande récompense, c'est un sourire sur un visage ! 


Qu'est-ce que vous préfèrez dans votre vie à Paris?

La liberté, la culture et la beauté de la ville. 


Comment définissez-vous votre style ? 

Pas masculin mais androgyne. Sobre. Net. Un brin de fantaisie allié à un ancrage strict. 


Quelle est ta destination préférée pour voyager et pourquoi?

Le Cap Ferret, près de Bordeaux. Il y a 40 km de plages, sans immeubles avec de grandes dunes de sable. J'y vais tous les étés depuis 29 ans. Je suis très fidèle ! 


Quel conseil donneriez-vous à quelqu'un qui veut faire carrière dans la mode?

Quand on débute dans un métier, pas seulement dans la mode, il faut être patient, ouvert d'esprit et prêt à tout faire. Il y a beaucoup de gens qui veulent faire ce métier. Ce qui va faire la différence, c'est votre enthousiasme, votre bonne volonté et votre professionnalisme. Il faut être prêt à travailler dur pour atteindre ses objectifs !


Qu'est-ce qui te plaît le plus dans ton travail chez KARL LAGERFELD?

TEAM KARL ! Les personnes Chacun est intéressant, honnête et fidèle à soi.

Une rumeur circule... Vous auriez défilé pour Karl…

Un jour, Karl m’a demandé ce que j’avais fait avant de travailler pour lui. Je lui ai parlé de l’agence de mannequinat. Quand il a appris cela, il a commencé à me demander mon aide pour des castings, des recrutements et des négociations avec les agences en plus de mon travail de RP et de responsable showroom.

Un jour, j’ai reçu un appel inopiné d’une personne de chez Chanel me demandant de venir à leur bureau le lendemain. J’ai demandé : « Pour quoi faire ? » et on m’a répondu : « Pour défiler ». J’y suis allée et je me suis sentie comme un pauvre petit oiseau perdu au milieu des mannequins. Habituellement, j’étais de l’autre côté et, soudainement on m’habillait pour le défilé. Je portais des gants en cuir bleu marine et j’étais si stressée que, lorsque je les ai retirés, mes mains étaient devenues bleues à cause de la transpiration ! Heureusement, Inès de la Fressange m’a prise par la main et m’a montré comment marcher, où m’arrêter et combien de temps attendre. Après cela, j’ai été mannequin pour Karl pendant huit ans. J’ai participé à tous ses défilés sur les podiums !


En 34 ans de relation de travail étroite avec Karl, quelle est la meilleure leçon qu’il vous a enseignée ?

C’est davantage une attitude qu’une leçon. Karl profitait au maximum de chaque moment qu’il partageait avec les autres. Cela pouvoir vouloir dire qu’il ne serait pas à l’heure à son rendez-vous suivant, mais il consacrait toujours 100 % de son attention à la personne avec qui il était à cet instant T.


Comment gérait-il le stress et les responsabilités liés à ses fonctions?

Je l’ai observé, j’ai passé ma vie avec lui et j’ai toujours pensé que c’était merveilleux de voir les choses de son point de vue à lui. Ce qui m’impressionnait vraiment, c’était de voir à quel point il était fort ; avec lui, tout semblait simple. Karl ne se plaignait jamais, ne disait jamais que c’était difficile ou qu’il manquait d’inspiration – et s’il a ressenti cela, je n’en ai jamais rien su. 




Karl avait une habitude surprenante concernant la musique…

Il adorait écouter la musique très fort ! Parfois, j’essayais de lui parler au téléphone et le suppliais : « Karl, par pitié, on peut baisser le volume pour pouvoir se parler? ». Il écoutait aussi bien de l’opéra que du rap, des tubes des années 70, de la techno ou du tango argentin. Il aimait Pharrell, Drake et will.i.am. Ses goûts étaient très éclectiques.


Votre style peut être androgyne et parfois évoquer celui de Karl lui-même. Quel est le meilleur conseil qu’il vous ait donné ou que vous ayez appris de lui concernant le style?

Je ne lui demandais pas de conseils, je prenais ses vêtements ! Je pense que mon look androgyne correspond bien au style de Karl. Bien sûr que je voulais que mon apparence lui plaise mais je suis toujours restée fidèle à mon propre style. Et si Karl aimait votre look, il vous le disait, ce qui était très gentil de sa part, car il aurait très bien pu garder cela pour lui. 


Comment la marque a-t-elle évolué depuis sa conception ?

L’évolution la plus importante concerne le public que nous avons touché avec nos collections. Quand je suis arrivée en 1985, c’était une marque de pur luxe dans les défilés. Mais après la collaboration avec H&M, Karl a décidé qu’il ne voulait plus être une marque de podium. Il adorait l’idée de rendre les vêtements de luxe accessibles à tous. Et maintenant, des années plus tard, bien que Karl soit décédé, nous avons encore un formidable esprit d’équipe. Je suis très heureuse et fière d’être encore dans l’entreprise ! 


Le thème de l’exposition et du gala du Costume Institute de 2023 au Metropolitan Museum of Art sera Karl Lagerfeld: A Line of Beauty. Que représente à vos yeux le fait que Karl ait été le thème du Met Gala 2023 et de son exposition ?

Très peu de créateurs de mode ont accédé à un tel honneur, pas plus d’une dizaine au total depuis que le Met Gala a commencé à adopter un thème dans les années 1970. Ce moment a représenté une étape inédite pour la marque. C’était non seulement l’occasion parfaite pour une introspection, mais aussi le moment idéal pour partager l’évolution de la marque depuis sa création en 1984 avec l’équipe et avec notre public. Cela a été pour moi une joie immense que de replonger dans nos archives, de revoir les tenues dans lesquelles j’ai défilé dans les années 1980, et surtout de percevoir la fierté que suscite un tel héritage au sein de notre équipe. Le plus remarquable, dans cette aventure, a été d’être témoin du travail d’Andrew Bolton, qui a absorbé toute l’histoire et tout l’héritage de la marque pour les ramener à la vie comme personne ne l’avait jamais fait auparavant.

 

Quel a été selon vous le moment le plus marquant du Gala ?

Cela a été un moment de célébration et une déclaration d’amour à mon plus grand mentor, je n’oublierai jamais ce que j’ai ressenti en foulant le « red carpet » à cette occasion. Je portais une veste longue extrêmement chic que j’adore et que j’avais déjà portée aux côtés de Karl… ma façon à moi de me sentir proche de lui en cette occasion si particulière.

 

Parlez-nous de l’exposition du Costume Institute…

Le « red carpet » a été un moment riche en émotion, mais ce qui m’a marquée encore davantage fut le fait de découvrir Karl à travers le prisme d’Andrew Bolton, le curateur de l’exposition. Son incroyable travail a vraiment su mettre en valeur la variété des creation et l’éclectisme de Karl sur l’ensemble de sa carrière, quelle que soit l’année ou la marque. Une tâche titanesque ! Une expérience tout aussi captivante pour moi a été d’assister en direct aux réactions des spectateurs, de lire l’admiration, la joie et la curiosité sur leur visage. Cette exposition a réuni tant de beauté et a rendu un hommage digne de ce nom à Karl. Je pense notamment à la magnifique scénographie de Tadao Ando, l’architecte avec qui Karl rêvait de construire une maison… Voilà qui est chose faite.


Il a été annoncé que l’acteur Jared Leto, déjà titulaire d’un Oscar, jouera le rôle de Karl dans un film à venir. Vous endosserez le rôle de productrice exécutive. Que pensez-vous de ce film?

Nous en sommes aux débuts du projet. Il est donc trop tôt pour le dire et ce qu’ils choisiront de filmer ne dépend bien évidemment pas de moi. Mais nous faisons notre maximum pour soutenir le projet, partager nos anecdotes et leur donner une idée de ce que notre vie a été aux côtés de Karl.

Quel a été le projet le plus mémorable sur lequel vous avez travaillé ensemble ?

La collaboration avec H&M en 2004. Tout a changé du jour au lendemain. J’étais dans un magasin avec un journaliste pour dévoiler la collection au public et ça a été un immense succès : les gens se battaient littéralement pour avoir accès à la collection. Nous ne nous attendions pas à une telle frénésie. J’ai appelé Karl pour l’informer, et il n’en revenait pas non plus. 


Le lendemain, il devait aller à 7L (sa librairie à Paris), et du monde l’attendait devant chez lui ! C’est le moment où Karl est passé du statut de créateur de mode à celui de rock star. Il ne pouvait plus sortir seul. Des gens dans le monde entier hurlaient « Karl ! » lorsqu’il apparaissait. La résonance de H&M était clairement internationale. 


Le Karl que nous voyions en public était certes une rock star, mais aussi une énigme. Jouait-il ce rôle en privé ?

Le Karl public portait une armure. Il fallait qu’il se protège. Mais, en fait, Karl était quelqu’un de très ouvert et il se démenait pour mettre les gens à l’aise. Il était incroyablement drôle, poli, gentil et attentionné. Il était aussi extrêmement fidèle ; il fallait gagner sa confiance, ce qui prenait du temps. Mais une fois celle-ci acquise, quelque chose changeait dans votre relation avec lui.


Qu’est-ce que les gens seraient surpris d’apprendre à propos de Karl ?

Karl était très généreux, avec son temps, mais aussi de par ses actes de gentillesse, comme ouvrir la porte pour vous. Si vous aviez une conversation intéressante avec lui à propos de quelque chose, vous receviez en cadeau tous les livres sur le sujet une semaine plus tard ! 


Vous avez consacré toute votre carrière à cette maison. Qu’est-ce qui vous fait rester?

La famille et la confiance qu’on m’accorde. Je possède un savoir-faire que j’ai acquis au fil de ma carrière ici mais je suis encore surprise et heureuse de voir la confiance que l’on m’accorde. Et maintenant que Karl est parti, je sens que j’ai une responsabilité. Je veux partager mon expérience au maximum avec notre équipe et avec le monde. Je fais de mon mieux pour raconter des histoires, expliquer qui Karl était et comment c’était de travailler avec lui. Karl travaillait très dur et tirait le meilleur de tout ce qui l’entourait. Je veux faire en sorte que cela ne tombe pas dans l’oubli. 

Caroline Lebar with Choupette

Vous avez sillonné le monde avec Karl. Quel est l’endroit que vous avez préféré visiter avec lui ?

New York. Là-bas, j’avais le sentiment que nous vivions quasiment ensemble ! Pendant une période, nous y allions toutes les cinq semaines environ. Nous logions toujours au Mercer Hotel comme une grande famille. Nous prenions le petit-déjeuner ensemble comment n’importe quels collègues qui voyagent ensemble. Voyager avec Karl a toujours été un plaisir, car nous avions le temps d’aborder plus en détail des sujets liés au travail mais aussi personnels. C’était divertissant et l’ambiance était fabuleuse. J’ai toujours aimé ces voyages et ces instants passés ensemble.


Karl avait une habitude surprenante concernant la musique…

Il adorait écouter la musique très fort ! Parfois, j’essayais de lui parler au téléphone et le suppliais : « Karl, par pitié, on peut baisser le volume pour pouvoir se parler? ». Il écoutait aussi bien de l’opéra que du rap, des tubes des années 70, de la techno ou du tango argentin. Il aimait Pharrell, Drake et will.i.am. Ses goûts étaient très éclectiques.


Votre style peut être androgyne et parfois évoquer celui de Karl lui-même. Quel est le meilleur conseil qu’il vous ait donné ou que vous ayez appris de lui concernant le style?

Je ne lui demandais pas de conseils, je prenais ses vêtements ! Je pense que mon look androgyne correspond bien au style de Karl. Bien sûr que je voulais que mon apparence lui plaise mais je suis toujours restée fidèle à mon propre style. Et si Karl aimait votre look, il vous le disait, ce qui était très gentil de sa part, car il aurait très bien pu garder cela pour lui. 


Comment la marque a-t-elle évolué depuis sa conception ?

L’évolution la plus importante concerne le public que nous avons touché avec nos collections. Quand je suis arrivée en 1985, c’était une marque de pur luxe dans les défilés. Mais après la collaboration avec H&M, Karl a décidé qu’il ne voulait plus être une marque de podium. Il adorait l’idée de rendre les vêtements de luxe accessibles à tous. Et maintenant, des années plus tard, bien que Karl soit décédé, nous avons encore un formidable esprit d’équipe. Je suis très heureuse et fière d’être encore dans l’entreprise ! 

Le thème de l’exposition et du gala du Costume Institute de 2023 au Metropolitan Museum of Art sera Karl Lagerfeld: A Line of Beauty. Que représente à vos yeux le fait que Karl ait été le thème du Met Gala 2023 et de son exposition?

Très peu de créateurs de mode ont accédé à un tel honneur, pas plus d’une dizaine au total depuis que le Met Gala a commencé à adopter un thème dans les années 1970. Ce moment a représenté une étape inédite pour la marque. C’était non seulement l’occasion parfaite pour une introspection, mais aussi le moment idéal pour partager l’évolution de la marque depuis sa création en 1984 avec l’équipe et avec notre public. Cela a été pour moi une joie immense que de replonger dans nos archives, de revoir les tenues dans lesquelles j’ai défilé dans les années 1980, et surtout de percevoir la fierté que suscite un tel héritage au sein de notre équipe. Le plus remarquable, dans cette aventure, a été d’être témoin du travail d’Andrew Bolton, qui a absorbé toute l’histoire et tout l’héritage de la marque pour les ramener à la vie comme personne ne l’avait jamais fait auparavant.


Quel a été selon vous le moment le plus marquant du Gala ?

Cela a été un moment de célébration et une déclaration d’amour à mon plus grand mentor, je n’oublierai jamais ce que j’ai ressenti en foulant le « red carpet » à cette occasion. Je portais une veste longue extrêmement chic que j’adore et que j’avais déjà portée aux côtés de Karl… ma façon à moi de me sentir proche de lui en cette occasion si particulière.

 

Parlez-nous de l’exposition du Costume Institute…

Le « red carpet » a été un moment riche en émotion, mais ce qui m’a marquée encore davantage fut le fait de découvrir Karl à travers le prisme d’Andrew Bolton, le curateur de l’exposition. Son incroyable travail a vraiment su mettre en valeur la variété des creation et l’éclectisme de Karl sur l’ensemble de sa carrière, quelle que soit l’année ou la marque. Une tâche titanesque ! Une expérience tout aussi captivante pour moi a été d’assister en direct aux réactions des spectateurs, de lire l’admiration, la joie et la curiosité sur leur visage. Cette exposition a réuni tant de beauté et a rendu un hommage digne de ce nom à Karl. Je pense notamment à la magnifique scénographie de Tadao Ando, l’architecte avec qui Karl rêvait de construire une maison… Voilà qui est chose faite.


Il a été annoncé que l’acteur Jared Leto, déjà titulaire d’un Oscar, jouera le rôle de Karl dans un film à venir. Vous endosserez le rôle de productrice exécutive. Que pensez-vous de ce film?

Nous en sommes aux débuts du projet. Il est donc trop tôt pour le dire et ce qu’ils choisiront de filmer ne dépend bien évidemment pas de moi. Mais nous faisons notre maximum pour soutenir le projet, partager nos anecdotes et leur donner une idée de ce que notre vie a été aux côtés de Karl.